Chapitre II : L’envers du décor (1)

Le froid s’immisçait sous ses vêtements, son pantalon de toile lui semblait trop grand, et les poils de ses jambes et de ses bras se hérissaient. Chaque expiration formait un petit nuage devant son visage. William tenta de conserver un peu de chaleur en croisant les bras et en calant ses mains sous ses aisselles, mais même comme ça il grelottait.

La luminosité était bizarre, pas normale du tout. Comme si tout le couloir était sous l’eau. Tout ondulait, tout miroitait ; c’était joli, mais glacial. Pas un bruit, juste ses pas sur le lino gelé. Personne dans les salles qui bordaient le couloir. Des instruments abandonnés, des chaises renversées. Un hôpital désert ? Pris dans les glaces. Il passa la main sur une vitre, frottant la fine pellicule de givre qui la recouvrait.

Il sentait le froid, il sentait ses doigts s’engourdir au contact de la glace brillante. Et pourtant rien de tout ça n’était réel, il en était persuadé. Pas vraiment un rêve, pas vraiment un cauchemar. Un de ces mondes, un de ces entre-deux qu’il visitait parfois. Dans la vitre il distinguait son reflet ; froid, terne, fatigué. Ses cheveux bruns étaient agglomérés en paquets glacés.

Un flash de couleur. Du coin de l’œil il crut entrevoir du mouvement, derrière lui.

Un éclair de douleur, comme si la foudre venait de s’abattre sur lui, le traversant de la tête aux pieds. Pendant une fraction de seconde, tout autour de lui devint rouge, incandescent. Brûlant.

William s’écroula sur le sol gelé, comme un pantin dont on aurait coupé les fils. Le froid semblait encore plus mordant à présent, même s’il ne restait que le souvenir de la chaleur intense qui l’avait frappé. Ou alors c’était juste parce qu’il était avachi par terre. Il tenta de se remettre debout ; le sol était glissant et ses membres engourdis. Il fallait qu’il sorte d’ici.

Encore du mouvement, à la périphérie de son champ de vision. Il y avait quelqu’un avec lui... Quelqu’un qui lui voulait du mal ? Sensations confuses, distantes ; il sentait qu’il perdait pied, tout en glissant sur le sol de plus en plus gelé. Les murs autour de lui blanchissaient à vue d’œil, se couvrant de givre, et on ne distinguait presque plus les brancards abandonnés, recouverts de neige. Angoisse, abandon. L’envie de tout laisser tomber était présente, elle tournait comme un vautour, surplombant les autres pensées. Mais elle ne lui appartenait pas, cette pensée. William Einberg ne laissait pas tomber ; il se lamentait, il piquait des colères, mais il se battait jusqu’au bout.

Eclair. Les murs prirent une teinte écarlate et il eut l’impression qu’on cherchait à l’électrocuter.

Glace. Il glissa au sol en tressaillant.

Eclair. Et puis le noir complet.

OoOoO

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